France: Nathalie Auger : Richesses des classes multilingues

Publicado: 10 mayo 2021 a las 10:00 am

Categorías: Noticias Europa

France/ 10 Mai, 2021/ Source/ http://www.cafepedagogique.net/

Par François Jarraud

“La question principale du présent ouvrage est donc la suivante : comment envisager une éducation équitable pour tous les enfants ou faire que l’école devienne ce lieu où chacun fait l’expérience d’une communauté d’apprentissage par l’écoute et le partage de normes et de fonds de connaissances divers ?” Pour Nathalie Auger (Université P Valery Montpellier 3) et Emmanuelle Le Pichon (Université de Toronto) cette éducation équitable passer par le multilinguisme. En pleine déferlante xénophobe, les deux chercheuses publient un ouvrage (Défis et richesses des classes multilingues, ESF Sciences Humaines) qui montre qu’il est licite d’encourager les élèves à utiliser leur langue familiale à l’école et que ça ne se fait pas que dans l’intérêt de leur intégration scolaire. Le multilinguisme c’est aussi une richesse pour la classe. Nathalie Auger nous l’explique dans cet entretien.

 

Les classes bilingues, on connait. Mais c’est quoi une classe “multilingue” ?

 

Une classe multilingue c’est reconnaitre qu’il y a différentes langues présentes dans nos classes qui sont invisibles car on ne les sollicite pas. Dans certains quartiers c’est tous les élèves qui parlent une autre langue avec leurs parents. Dans la banlieue parisienne où j’ai grandie il y avait une dizaine de langues dans ma classe : le créole, le vietnamien, l’espagnol, le portugais etc. Mais on n’en faisait rien. L’idée du livre c’est de dire que ce multinguisme est une chance et une plus value pour les apprentisages.

 

Vous parlez de défis. Quels sont ils ?

 

C’est un défi car le multilinguisme nous pousse à être dynamiques et motivés. Cette réalité peut être considérée comme un problème. Mais nous le voyons, Emmanuelle et moi, comme une stimulation pour renouveler nos pratiques pédagogiques.

 

Mais pourquoi faudrait il relever ce défi ?

 

Tout simplement pour donner une place centrale à l’élève. Pour cela on le considère dans sa réalité. Et puis il y a la plus value pour les apprentissages. Quand on s’appuie sur ces ressources langagières on améliore la réflexion sur le français. cela aide les élèves multilingues mais aussi les francophones. Enfin il y a le vivre ensemble qui invite à embrasser d’autres langues. Tout cela est montré par les recherches qui sont présentées dans le livre.

 

Mais a t-on le droit de prendre en compte en classe la langue d’origine des élèves ?

 

Clairement, oui.   Dans le livre nous expliquons que les recommandations internationales enjoignent le fait de prendre en compte les langues des élèves. Et dans les programmes scolaires français il est également dit qu’il est important de le faire. Par exemple le programme de maternelle dit qu’un élève peut devenir le professeur de langue de ses camarades.

 

La question que vous posez revient souvent car on est un des rares pays à avoir une langue inscrite dans notre constitution. On s’est construit avec cette idéologie unilingue. Et on a du mal à faire de la place à la diversité.

 

Mais laisser les élèves utiliser leur langue en classe n’est ce pas aller contre leur intérêt et leur intégration ?

 

On est à l’ère de l’inclusion. On a dépassé celle de l’assimilation. L’inclusion c’est que chacun arrive comme il est et à partir de cela on construit ce qu’on appelle une communauté d’apprentissage. La classe en est une. On co-construit ensemble pour avancer ensemble dans les objectifs scolaires.

 

Ce que montre la recherche internationale c’est que cela sécurise beaucoup les élèves de pouvoir utiliser leur langue. Ils se sentent acceptés. On peut donc passer par la langue de l’élève pour mieux atteindre l’objectif scolaire.

 

Il ne s’agit évidemment pas d’apprendre toutes les langues de tous les élèves. Mais quand on voit que cela peut être bénéfique pour un point du programme on peut avoir recours à la langue d’un élève. Par exemple en français on peut travailler sur les accords et voir comment ils fonctionnent dans plusieurs langues. Par exemple les élèves vont se rendre compte quon a une langue très flexionnelle à l’écrit. Les accords sont différents en arabe ou en espagnol. Le livre répond à cette question à la fois par le rappel de la recherche et en montrant des pratiques.

 

Justement comment faire avec les programmes tels qu’ils sont ?

 

On ne doit jamais perdre de vue les programmes. Mais si on voit que la langue de l’élève peut aider à comprendre un point du programme on ne doit pas hésiter. Par exemple on peut montrer une vidéo en maths dans la langue de l’élève pour qu’il comprenne mieux.  Ou encore on peut tous comparer des manuels de maths dans des langues différentes.

 

Le bilinguisme est très sélectif. Les classes internationales ont encore moins d’élus. Et nous avons des classes multilingues et on n’en fait rien. Utilisons ces langues ! Pour l’enseignant ça peut être du temps de gagner.

 

Ne prend on pas le risque d’introduire dans la classe des oppositions nationales ?

 

De nombreuses langues sont transnationales comme l’arabe par exemple. On n’identifie pas une langue avec une nation. En général nos élèves ont plusieurs langues dans leur répertoire. Il sont une identité complexe et plurielle. Le plurilinguisme transcende la question de la nationalité.

 

Dans le climat actuel où l’Ecole est sommée de lutter contre le “séparatisme” et de construire l’unité nationale, avez vous des craintes pour l’accueil de votre livre ?

 

Non si les collègues ont en tête que l’objectif est de vivre ensemble, de s’ouvrir à l’altérité et d’être dans une identité plurielle. Il y a des peurs. Mais doit on nier la réalité et imposer des cadres extérieurs à ce que nous sommes. Ou parle t-on de notre humanité qui réside dans le langage pour développer le vivre ensemble ? La didactique interculturelle développe une éducation humaniste.

 

Surtout ce livre n’est pas un livre d’idéologues. C’est un livre de chercheurs. Et la recherche montre que le multilinguisme est efficace. Si les élèves apprenaient mieux en oubliant leur langue familiale on le dirait. Mais c’est l’inverse. Et le but de l’Ecole c’est bien l’équité.

 

Nathalie Auger et Emmanuelle Le Pichon, Défis et richesses des classes multilingues, ESF Sciences Humaines, ISBN 978-2-7101-4250-8, 23€

 

Sommaire et extrait

Source

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/05/07052021Article637559672003248229.aspx

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