France: Pandémie et santé mentale : quel avenir pour la psychiatrie ? Avec Pauline Chaste et Marine Gilsanz
France/ 17 Aout, 2021/ Source/ https://www.franceculture.fr/
Par Chloë Cambreling
La crise sanitaire a révélé les difficultés des services psychiatriques à répondre à une nouvelle demande de soins. Repère essentiel pour une population de plus en plus attentive à sa santé mentale, la psychiatrie n’en vit pas moins une crise de reconnaissance.

L’incertitude de la crise sanitaire a renforcé la difficulté des jeunes à se projeter dans l’avenir. Troubles anxieux et pensées suicidaires se sont ainsi propagés dans la société française au gré des confinements.
Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé la tenue d’Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui devraient rassembler en septembre les acteurs de ce secteur pour une concertation sur les perspectives de la psychiatrie en France.
Alors que la santé mentale progresse dans les préoccupations des Français et que les practiciens ont observé une réelle vague de tentatives de suicide, la psychiatrie n’est pas attractive auprès des jeunes aspirants médecins. Pour comprendre les ressorts de ce désintérêt, les Matins d’Eté accueillent Pauline Chaste, cheffe du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker – Enfants Malades à Paris, et Marine Gilsanz, présidente de l’Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (Affep).
Les urgences psychiatriques sous pression
La tension est redescendue dans les urgences pédopsychiatriques au cours de l’été, mais la vigilance reste de mise pour Pauline Chaste :
C’est vrai qu’on reste quand même très inquiets pour la rentrée, puisqu’on sait que la pédopsychiatrie est une activité assez saisonnière et qu’on a l’habitude que l’activité diminue pendant l’été. Pauline Chaste
Comme après les confinements successifs, c’est la reprise qui peut être génératrice de problèmes, avec un rôle important pour le stress lié au rythme scolaire. Toutefois, les raisons de l’anxiété autour du risque infectieux sont multiples et difficiles à cerner, touchant surtout les plus jeunes :
Ce qui nous a frappés, c’est le rajeunissement des enfants qui sont passés à l’acte, et ce qui nous a vraiment beaucoup inquiétés, ce n’est pas seulement le nombre d’enfants aux urgences psychiatriques, mais la sévérité de leur état au moment où ils arrivent aux urgences. Pauline Chaste
Une spécialité en quête de valorisation
Malgré une importante médiatisation des questions de santé mentale en France, la filière psychiatrique manque d’effectifs et reste méconnue au sein de la médecine traditionnelle. 11% des postes d’internat sont restés vacants en 2020 à l’issue des épreuves classantes nationales (ECN). En plus de souffrir de stéréotypes, la psychiatrie reste marginale dans l’enseignement fondamental de médecine.
Au niveau des stages qui sont proposés aux étudiants, on a l’impression qu’il y a à la fois un défaut en termes de quantités de stages accessibles en psychiatrie, puisque beaucoup d’étudiants déclarent que ce n’est pas évident pour eux de découvrir la psychiatrie en stage à l’hôpital pendant leurs études, et à la fois que ces stages sont parfois peu convaincants et difficiles. Marine Gilsanz
Pendant les études de médecine, quand on est étudiant en stage dans un service, quel que soit le service dans lequel on est, on nous demande de faire un examen cardiologique, un examen neurologique. Jamais on ne nous demande de faire un examen psychiatrique. Pauline Chaste
Besoins en évolution
Longtemps critiquées, les mesures de contention et d’isolement ont été pointées récemment par le contrôleur général des lieux de privation de libertés. Si leur encadrement juridique a été précisé par la Loi de financement de la Sécurité Sociale de 2021, il n’empêche que leur aspect traumatisant pour les patients nuit à l’image de la psychiatrie.
On a l’impression que ces pratiques sont encore trop fréquemment utilisées de manière pas toujours justifiée. On a aussi le sentiment que tant qu’on fera usage de ces pratiques stigmatisantes, on continuera à subir aussi cette stigmatisation de notre spécialité et de notre métier. Marine Gilsanz
Pour Pauline Chaste, la question des moyens rejoint celle de l’organisation des soins lorsqu’il s’agit de faire évoluer les pratiques.
Il est très difficile de recruter une personne intéressée par un poste. Il y a toujours toutes sortes de démarches, de commissions, etc., qui font que pour un médecin, l’embauche peut être retardée de 18 mois et pour un jeune médecin, 18 mois, ça peut faire changer d’avis. Pauline Chaste
Au-delà du problème que constitue le déficit de professionnels formés, certains psychiatres plaident pour des offres de soins innovantes :
Il y a un certain nombre de gens qui sont motivés pour faire des équipes mobiles, on a entamé ce projet à l’hôpital Necker, l’hospitalisation à domicile. Pour faire ces projets, il faut d’une part avoir des moyens, mais aussi avoir la possibilité de les mettre en œuvre rapidement, avec l’aide des gens qu’on est en train de former. Pauline Chaste
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