France: Jour 11 : encore du monde dans les cortèges

Publicado: 8 abril 2023 a las 10:00 am

Categorías: Artículos

France/ 08 Avril, 2023/ Source/ https://www.cafepedagogique.net

Par Lilia Ben Hamouda

Moins de 8% d’enseignants et enseignantes étaient en grève lors de la onzième journée de mobilisation. Les manifestations étaient pourtant presque aussi fournies que lors du 28 mars, près de deux millions selon la CGT, 570 000 selon le gouvernement. Les professeurs manifestants rencontrés – et ceux restés dans leur classe – semblent déterminés à poursuivre la mobilisation jusqu’au retrait de la réforme. Comme Éloïse qui manifeste « bien évidement contre la réforme des retraites mais plus généralement contre le gouvernement, contre sa fascisation. Si cette réforme passe, si on cesse de mobiliser contre, c’est la porte ouverte à la destruction de notre statut pour les profs et à toutes les dérives ».

 

Une image contenant texte, personne, plein air, bannière Description générée automatiquementDans cette école parisienne, aujourd’hui « seulement deux enseignantes » sont grévistes sur une équipe de 11 enseignants et enseignantes. « J’ai fait sept journées de grève, mais là je ne peux plus » souffle Aline* professeure dans l’école depuis plus de dix ans. « On ne nous a retiré aucune journée depuis le début de la mobilisation, j’ai peur qu’ils nous enlèvent tout en une seule fois ». « À croire que c’est une stratégie » s’emporte Annie*, la directrice qui vit mal de ne pas fair pas grève « pour la première fois » depuis le 19 janvier. « Ils vont tout nous retirer en une seule fois. On aura un salaire amputé d’un tiers, une façon de casser toute velléité de mobilisation dans le futur ».

« Il ne s’agit plus là que de des retraites, il y a un mélange de plein de choses, d’énormément de ressentis » remarque Marc*, enseignant de l’école « à trois mois de la retraite » pourtant en grève les dernières fois par « solidarité ». « On est mal payés et déconsidérés. Et on a un ministre qui nous explique la vie, qui nous explique ce que l’on a compris ou pas. Y en a littéralement ras-le-bol ». « Et puis, comment être enseignant et ne pas se mobiliser lorsque l’on voit les violences policières, les propos de Darmanin sur la LDH ou encore les micmacs du préfet de Paris pour interdire les manifestations » ajoute l’enseignant qui regrette de ne pas s’être déclaré gréviste à temps.

Dans leur école aujourd’hui, ces enseignants n’en demeurent pas moins déterminés à faire reculer « ce gouvernement radicalisé » avertit Aline reprenant les propos utilisés par Sophie Binet de la CGT à la sortie de l’intersyndicale.

 

Un enjeu de société qui va plus loin que la seule réforme des retraites

Des professeurs dans la même situation qu’Annie, Aline et Marc sont nombreux comme l’expliquait Sophie Vénétitay au Café pédagogique. «La colère n’est pas retombée » même si elle n’est pas  « forcément traduite par la grève ». Certains se sont organisés pour rejoindre les cortèges après les cours. Et d’autres, comme Sori profite de leur longue pause déjeuner. « Je n’ai pas d’élèves de 13 heures à 16 heures aujourd’hui, j’en ai profité pour venir manifester un peu » explique le professeur documentaliste. Dans le cortèges parisien, les enseignants sont reconnaissables à leurs pancartes et banderoles. Éloïse, professeure d’histoire à Paris, en est à sa « cinquième ou sixième » journée de grève, « y a eu pas mal de grèves le mardi, je n’ai pas cours ce jour-là mais j’ai fait toutes les manifestations, ça me rebooste» confie-t-elle. Si Éloïse est en grève ce jeudi, c’est « bien évidement contre la réforme des retraites mais plus généralement contre le gouvernement, contre sa fascisation. Si cette réforme passe, si on cesse de mobiliser contre, c’est la porte ouverte à la destruction de notre statut pour les profs et à toutes les dérives ».

Les professeurs de plusieurs lycées du sud parisien sont venus nombreux, ils se sont organisés dans le cadre d’une mobilisation commune. « Pour éviter que certains se retrouvent avec une perte financière trop importante, on se relaie pour faire grève » explique Julie. « Et contrairement à ce qu’a affirmé notre ministre, oui on a compris. On a compris qu’on allait être lésés, en tant que professeur, en tant que femme » ajoute Emmanuelle sa collègue. « Plus généralement, c’est une mobilisation qui est collective. On a saisi que tout le monde sera lésé, les plus précaires surtout, ceux dont les métiers ne permettent pas d’envisager deux ans de plus de travail. C’est général, c’est une vision de la société, c’est ce à quoi nous, citoyens et citoyens, désirons contribuer. On se bat les uns pour les autres ». « Imposer un âge à tous et toutes alors que les conditions de travail sont si disparates, c’est tout sauf égalitaire, c’est tout sauf juste » conclut Julie.

Marion est une irréductible. Professeur dans une collègue de La Plaine-Saint-Denis, elle était en grève du 7 mars au 3 avril. Pour l’enseignante et militante, « il faut une grève reconductible, sinon ça va être difficile face à Marcon ». La jeune femme regrette qu’il n’y ait pas d’appel claire de l’intersyndicale, sinon « il y aurait eu beaucoup plus de grévistes. On est à notre onzième jour de grève, s’ils s’étaient enchainés, on aurait déjà gagné ». Selon Marion, il faut relier toutes les revendications : l’augmentation des salaires, l’embauche des plus précaires, la lutte contre les baisses de moyens et de suppressions de classes et contre les réformes des retraites. « Avec toutes ses revendications réunies, on mettrait plus de monde dans la rue ».

 

Des jeunes en nombre

Très présents, quant à eux, les jeunes. Beaucoup d’étudiants et de lycéens ont défilé au chant de « De l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat ». Sabine, sociologue, enseigne à l’université de Nanterre. Elle défile avec ses collègues mais aussi les étudiants de son université. « On a fait un gros meeting mardi qui réunissait personnels de l’université et étudiants. On était 500 », raconte la sociologue. « Petit à petit, les étudiants et nous organisons des choses ensemble. On essaie de faire en sorte que cela soit déterminé mais festif. Du côté personnels, ce sont des profs, des personnels de la sécurité, des administratifs, des bibliothécaires qui se mobilisent. Cette réforme touche tout le monde, elle mobilise donc tout le monde ».

Plus discrets que les étudiants, les lycéens étaient toutefois nombreux dans le cortège. « Nous recensons plus de 400 lycées bloqués » a indiqué la Fidel, syndicat de lycéens, qui appelle – dans le cadre d’une intersyndicale de lycéens – à bloquer tous les lycées dès le 13 avril.

 

Onze journées de mobilisation, une prochaine annoncée pour le 13 avril alors qu’une partie des enseignants sera en vacances. Quelle sera la mobilisation ? Le choix de la date n’est pas anodin, le lendemain le Conseil d’État rendra sa décision. Une décision qui est attendue par l’intersyndicale et le gouvernement. Signera-t-elle la fin de ce conflit social qui dure depuis maintenant près de trois mois ?

 

Lilia Ben Hamouda

*Genres et prénoms ont été modifiés dans un souci d’anonymat

Pour information : Dans certains départements, les organisations syndicales commencent à organiser les caisses de grève pour compenser la perte salariale. Dans le 93, le syndicat SNUipp-FSU propose à ses adhérents une indemnisation forfaitaire de 20 euros pour les enseignants dès trois jours de grève, et dès le premier jour pour les AESH. Sud éducation organise aussi une caisse de solidarité pour ses syndiqués. 

 

 

Descubre más desde Cognición

Suscríbete ahora para seguir leyendo y obtener acceso al archivo completo.

Seguir leyendo